Très attiré par l’occultisme et doté d’une vaste culture, Tod Browning a donné naissance à l’une des oeuvres les plus insolites du cinéma Il aime à disserter sur la relativité des apparences et de la morale. Ses films qui s’attachent à décrire l’humanité des monstres sous leurs difformités physiques, sont des plaidoyers pleins de tendresse pour les êtres marginaux.
Révoltée, en 1920, le premier film de gangsters, le rend célèbre. En 1925, il est engagé par Irving Thalberg à la MGM. Il dirige l’acteur Lon Chaney dans Le club des trois (1925). Le réalisateur et l’acteur se trouvèrent de telles affinités dans leur conception du cinéma et leur attirance pour le mélodrame criminel qu’ils devaient tourner sept autres films ensemble durant les cinq années suivantes:L’oiseau noir (1926), La route de Mandalay, Londres après la pluie (1927),L’inconnu (1927), Le loup de soie noire (1928), A l’ouest de Zanzibar (1928) etLoin vers l’est (1929). Les huit films et de leur association font naître une certaine forme de mélodrame fort populaire, qui cultive le bizarre avec un grand sens poétique (Lon Chaney, surprenant comédien expert en rôles insolites et en maquillages horrifiants interprète une vieille dame, dans Le club des trois, un infirme dans L’oiseau noir, un borgne dans La route de Mandalay, un mancho fou d’amour pour la debutante Joan Crawford dans L’inconnu, un paraplégique ne se déplaçant que dans un fauteuil roulant en osier ou rampant sur le sol en traînant derrière lui des jambes inutiles dans A l’ouest de Zanzibar.
Lon Chaney meurt en 1930 alors qu’ils projetaient de tourner ensemble la première version sonore de Dracula (il sera remplacé par Bela Lugosi) : le film obtient un très vif succès. En 1932, Browning dirige son film le plus personnel, Freaks, qui sera un désastre financier. Il meurt d’un cancer de la gorge le 6 octobre 1962 à Malibu.
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Dracula
A Bistritz, localité d’Europe Centrale, arrive un soir un voyageur du nom de Renfield. Il se rend, pour affaire, au château du comte Dracula, cela malgré les avertissements des villageois qui tentent de le détourner de son projet. Le château en ruine semble inhabité, mais le comte, en tenue de soirée, est là sur le seuil pour l’accueillir, un candélabre d’argent à la main.
La terreur et l’hallucination commencent pour le voyageur. Pendant la nuit, il voit entrer trois femmes qui l’entourent et lui font au cou une morsure. Puis, tombé dans un sommeil hypnotique, Renfield est emmené en même temps que de grandes caisses mystérieuses, à bord d’un voilier, par le comte Dracula. Après avoir échappé à une violente tempête, le voilier aborde les côtes d’Angleterre. Les passagers sont morts, sauf Renfield soumis désormais aux volontés de Dracula, le Maître des Vampires.
Renfield est interné dans la maison de santé du Docteur Seward dont la fille, Mina, est fiancée à John Harker, un ami du dément. Le comte Dracula, lui, a pris possession de l’Abbaye de Carfax, voisine de la propriété du Docteur Seward. Une série de crimes étranges vont bientôt désoler chaque nuit la contrée. John Harker fait alors appel au professeur Van Helsing, célèbre pour ses études sur le vampirisme, pour examiner sa fiancée dont les forces déclinent inexplicablement. Van Helsing soupçonne Dracula d’être le coupable, mais celui-ci est invulnérable et repose le jour dans son tombeau.
Dans la chapelle de l’Abbaye, Van Helsing découvre enfin le cercueil de Dracula. À l’aide d’un pieu enfoncé dans le coeur du vampire, Van Helsing détruit définitivement le monstre.
premier film fantastique de l’ère du parlant. En 1930, la Universal prend la décision d’adapter le roman de Bram Stoker, ou plus précisément la pièce de théâtre qui en est tirée et qui triomphe encore à Broadway, avec Bela Lugosi dans le rôle titre.
Lon Chaney, acteur mythique du cinéma muet, de son surnom « l’homme aux mille visages », est prévu pour interpréter le comte Dracula. Mais il décède d’un cancer du poumon peu avant le tournage. Laemmle mise alors tout sur un acteur chevronné qui connait le personnage sur le bout des doigts, plus que quiconque, et qui l’a joué des centaines de fois sur les planches… Bela Lugosi entre ainsi dans la légende.
L’œuvre bénéficiera d’un énorme succès public et critique, ce qui donnera envie à la Universal de continuer sur cette lancée, érigeant par ce biais un style incomparable au sein du cinéma de genre hollywoodien..
A noter, que Bela Lugosi était tellement obsédé par son rôle qu’il dormait dans un cercueil dans la vie de tous les jours.
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FREAKS
(La Monstrueuse Parade )
Fiancé à Frieda l’écuyère lilliputienne du cirque Tetrallini, le lilliputien Hans est fasciné par la beauté de Cléopâtre, une acrobate, maîtresse de l’athlète Hercule qui vient d’être abandonné par Vénus, dont Phroso le clown est amoureux. Cléopâtre prend plaisir à provoquer Hans qui est de plus en plus épris. Apprenant que celui-ci vient d’hériter d’une grosse somme d’argent, elle décide de l’épouser pour s’approprier sa fortune puis, avec la complicité d’Hercule, de l’empoisonner. Malgré les efforts de Frieda, le mariage a lieu. Au cours du repas de noce Cléopâtre, ivre injurie les phénomènes du cirque rassemblés et humilie Hans. Cléopâtre a commencé à administrer le poison à Hans. Mais le complot est découvert et, pendant une nuit de tempête, les monstres donnent libre cours à leur vengeance : Hercule est poignardé et Cléopâtre. déformée par les mutilations, sera exhibée comme “poule humaine”…
Il existe plusieurs fins à ce film. Initialement d’une durée de 90 minutes, après plusieurs coupes et remontages, il sera réduit à 64 minutes, pour la version la plus connue. Dans celle-ci, le film se termine par la vision cauchemardesque de Cléopâtre, dont le corps est désormais celui d’une poule, présentée comme un monstre à son tour… Une autre version du film se termine un peu plus tard, avec une scène montrant les retrouvailles de Hans et Frieda, après que celle-ci ait pardonné à son fiancé son infidélité. Mais dans la première version qu’avait tournée le réalisateur (invisible à ce jour), Hercule était également castré. Cette version ne fit évidemment pas l’unanimité chez les producteurs et fut donc censurée. On ne verra donc que le sort réservé à la trapéziste, la dernière image d’Hercule le montrant paniqué par les amis de Hans qui arrivent vers lui.
Autour de cette intrigue, Browning dépeint la vie quotidienne du cirque, par de petites histoires secondaires. Il décrit ses pensionnaires comme des gens ordinaires, avec les mêmes soucis que n’importe qui. Le fait est que le réalisateur connaît bien le milieu, puisqu’il a lui-même travaillé dans un cirque, entre 16 et 30 ans. Il connaît cette vie, elle fait partie intégrante de sa culture, et c’est ce qui lui permet de dépasser les clichés. Il montre un monde réaliste, réalisme qu’il pousse jusqu’à engager non pas des acteurs, mais de véritables “freaks” appartenant au cirque Barnum. Tout est donc bien réel, et cela contribue à créer le malaise ambiant, d’autant que Browning n’hésite pas à jouer sur certaines ambiguïtés, par exemple le fait que les acteurs qui incarnent les amoureux Hans et Frieda étaient frère et sœur dans la réalité…
Le message évident de Freaks est que les monstres ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Si Cléopâtre correspond aux normes physiques par sa beauté, à l’intérieur, elle est la plus laide de tous les personnages, la plus monstrueuse. C’est le regard que l’on porte sur les autres qui détermine leur état. N’étant pas habitués à la vision d’une femme/poule, les spectateurs qui viennent voir Cléopâtre à la fin du film sont horrifiés, certains crient. L’ancienne beauté est donc devenue un monstre, et cette monstruosité n’est désormais plus seulement intérieure, mais visible par tous. Nous sommes tous des monstres potentiels, voilà ce que nous dit Freaks. Un message universel, qui se vérifiera dès l’année suivante avec la montée du nazisme, et un film qui restera comme le chef-d’œuvre de son réalisateur, inspirant plusieurs cinéastes, notamment le magnifique Elephant Man de David Lynch.
“Nous ne vous avons pas menti, nous vous avions annoncé des monstres, et vous avez vu des monstres. Ils vous ont fait rire et trembler… Pourtant, si le hasard l’avait voulu, vous pourriez être l’un d’eux. Ils n’ont pas demandé à naître, mais ils sont nés, ils vivent. Ils ont leurs codes, leurs lois. Offenser l’un d’entre eux, c’est les offenser tous…“.
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