Elles




Comment ne pas voir le féminisme comme une hérésie hypocrite et caricaturale de l'humain, quand on voit ce film qui pousse le cliché jusqu'aux tréfonds de la misère sociale? J'ai crut que le type assis à coté de moi pendant que je visualisais, allais péter un plomb XD !
C'est ce qui m'a dérangé, cette vision constante de l'homme salop, intéressé par son kiki et son portable, surbooké ou dépressif qui s'ignore.
Ce que j'ai particulièrement aimé par contre, c'est l'image, la mise en scène, le language cinématographique. Les sons amplifiés, les plans étriqués, les inserts et les longueurs qui illustrent les malaises et les non-dits. Anne Journaliste quadragénaire bobo qui s'emmerde dans son quotidien répétitif, écrit un papier sur la prostitution étudiante. On hésite. Es-ce que ce jonglage entre romanesque et crade n'est pas un peu trop mal foutu? Entre le client scato, le tendre et le taré, le tout rendu par de belles lumières et de jolis plans (si je puis dire), on reste un peu le cul entre deux chaises. Donc, Anne a une vie de merde, son mari super dispo laisse sa libido au placard à tel point que le seul endroit qui la rend toute humide le sol de leur salle de bain en position horizontale et forever Alone.


La bande annonce nous ment... Elle traverse son grand appartement de long en large pendant tout la journée, parce qu'elle doit préparer la popote pour le boss de son mari. Son frigo de merde ferme une fois sur deux et ça la fait chier, elle doit finir son papier pour le rendre le lendemain et les témoignages des deux jeunes filles qu'elles interview ne cessent de tourner dans sa tête. Elle réfléchit, s'inquiète pour son abruti d'ado tête à claques qui sèche les cours, va fumer une clope sur le balcon, se branle dans la salle de bain, écoute radio classique pour faire passer la pilule de son frigo qui ferme toujours pas et pense encore à ces deux gamines qui se prostituent.



 Entre Alicja, étudiante polonaise décomplexée à mort qui dit "aimer ça" sans l'ombre d'un doute et Charlotte dite "Lola" qui sourit pardessus ses angoisses d'être mal considérée, Anne est déroutée. On voudrait croire que la réalisatrice s’intéresse au malheur de ces étudiantes qui sous couvert d'argent facile, pourrait psychologiquement ne pas survivre à ce qu'elles font. En fait, c'est une sorte de plaidoyer de la condition féminine. Une réflexion qui se veut profonde et ne parvient qu'a caricaturer l'un de ses personnages principaux: Anne. Elle émeut autant qu'elle désole. On dira sans doute que je n'ai pas compris la profondeur du personnage, mais je ne pense pas être passé à coté d'une grande révélation.

 
 Si on ne peut remettre en cause l’extrême justesse du jeu de Binoche, on ne peut pas en dire autant de son personnage. Anne est tronquée, piégée, en mal d’amour et ses réactions sont assez contradictoires avec sa situation, elle se soumet au lieu de hurler un bon coup, elle s'enfuit au lieu de cogner. Elle ne se bat pas, elle est victime consentante. Du coup on passe un peu à coté des deux autres protagonistes principales du film. Si Alicja est la seule à avoir pris le taureau par les cornes en se hissant ( soi disant ) au dessus de ceux qui la tyrannisait, Charlotte est plus émotive et plus réaliste. Comme un automate, elle sourit, suce, se fait baiser mais n'a aucune confiance en elle. Elle connait les risques, elle subit la violence tordue, mais elle ne s’arrête pas. "C'est comme les cigarettes, c'est difficile d'arrêter"; A la différence que la cigarette apaise le cerveau pour faire du bien, les bleus fait à l'esprit sont des dommages collatéraux inaltérables. Alicja se fait humilier mais ne le conçoit pas comme tel, elle est objet mais ne le voit pas comme ça. Charlotte hurle à l’intérieur de son corps, ment à son petit ami qu'elle n’arrive plus à toucher et se détruit littéralement. Elles sont victimes, certaines le savent d'autres l'ignorent, mais elles consentent toujours. Elles ne se battent pas, elles restent prostrées... C'est comme ça. A la fin, elles sourient, la vie continue, le soleil brille et le générique de fin arrive.